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Pourquoi l’inaccessible nous attire tant ?

Éluard écrit : « J’espère ce qui m’est interdit ». Comme Paul, nous sommes obsédés par ce qui nous échappe. Nos existences mesquines réclament sans cesse la surprise, le trouble, l’inattendu. Et l’impossible crée ce trouble. Mais pourquoi l’inaccessible nous attire autant ?

L’amour, un divertissement

Ce n’est pas que nous sommes des enfants capricieux, disons plutôt que notre condition mortelle nous rend avides de distractions : il faut avoir le goût du jeu pour oublier la mort. Sans cela, nous faisons déjà l’expérience de la mort. Cette recherche de distraction constante, donc, nous permet d’oublier que nous sommes condamnés à mourir et l’amour, émotion noble et très agréable n’y échappe pas.

Dans un monde de surconsommation où le paraître s’épouse la faiblesse, l’amour impossible devient, non pas une quête, mais un véritable divertissement. Dans ses Pensées, Pascal écrit : « La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement, et cependant c’est la plus grande de nos misères. Car c’est cela qui nous empêche principalement de songer à nous, et qui nous fait nous perdre insensiblement. Sans cela, nous serions dans l’ennui, et cet ennui nous porterait à chercher un moyen plus solide d’en sortir. Mais le divertissement nous amuse, et nous fait arriver inlassablement à la mort. Et de malheur en malheur nous mène jusqu’à la mort, qui en est le comble éternel. »

Ainsi, au-delà du fait que Pascal explique très bien ce désir d’accès au divertissement qui s’applique à l’amour inaccessible, c’est son propos sur les conséquences de ce divertissement qui est intéressant. A force de courir après le divertissement et donc après l’oubli (du temps qui passe/de la mort), c’est soi-même qu’on oublie. C’est soi-même qu’on perd. Et bien que ce marathon comble notre vie, nous perdons en réalité notre temps, le temps précieux qui nous permet de nous élever.

Aimer souffrir

Dans l’amour inaccessible, il existe également d’autres interprétations : en désirant ce qu’on ne peut obtenir, en réalité, ce qu’on désire, c’est souffrir. Nous aimons souffrir. Premièrement, parce que la souffrance est confortable, nous la connaissons, et de fait, elle ne risque pas de nous surprendre ni de nous décevoir. C’est un compagnon à qui l’on s’attache sans le savoir.

Secundo, si nous avons eu affaire à des histoires d’amour impossibles de façon répétée, il est tout à fait normal de perpétuer le schéma. Croire à l’amour sain et agréable serait alors une hérésie, pire, un ennui mortel. Troisièmement, parce que la souffrance nous donne la sensation d’être en vie.

Préférer le rêve à la réalité

L’inaccessible m’attire parce que j’en ai fait un rêve. Ce rêve, ce fantasme à dire vrai, me permet d’échapper à la réalité qui m’ennuie. L’inaccessible pourrait donc être - aussi - une affaire de grands rêveurs, incapables de se rattacher au monde tel qu’il est. Par le fantasme, je dessine mes formes et mes couleurs, j’accède à un idéal qui n’existe pas dans le réel. Et si je parvenais à mes fins, si l’objet de mes désirs succombait finalement à mon charme, j’en serais alors déçue.

Il est donc impossible pour la rêveuse que je suis d’abandonner ce désir mais il est encore plus impossible d’envisager l’idée d’y accéder. Si j’y accède et que j’en suis déçue, mon désir provoquerait alors un ennui mortel. Ce qui, de surcroît, tout comme aimer souffrir, rêver rejoint la pensée de Pascal : je me divertis.

Puissiez-vous accepter de n’être que des humains.

Sarah - @ladelicatessedesmots
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