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Littérature romantique et réalité : influence et désillusion ?

J’ai tant fait de ma vie un roman qu’il m’arrive de me demander si je ne vis pas dans un rêve. Or, si j’évoque ici l’image du roman, et en l’occurrence, celle du beau roman, c’est que j’en ai beaucoup lus, si bien qu’ils ont participé à la construction de mon idéal me poussant à la quête de cet idéal dans le réel. Un idéal rencontré par fragment chez chacun de mes amants et qui s’est toujours avéré décevant. Je sais par ailleurs qu’il en est de même chez mes amies lectrices et amis lecteurs, biberonnés dès le plus jeune âge au roman qui donne foi en l’amour. La fracture est toujours là, sans issue : entre le rêve qu’on nous offre et la réalité des relations. Mais qu’est-ce qui nous plonge véritablement dans la déception amoureuse : notre construction amoureuse qui s’est faite à travers les arts ou notre nature profonde qui est celle d’aimer ?

Les romans subliment-ils l’amour ? Not all livres

Certains livres subliment la relation amoureuse, certes, mais pas tous. Il m’est arrivé d’être confrontée à des lectures dépeignant des relations dégueulasses que je peux compter par dizaine. Je pense à Belle du Seigneur, d’Albert Cohen ou encore aux Liaisons Dangereuses de Laclos, sans oublier le Rouge et le Noir de Stendhal. Le fait est que, malgré mon appétit pour les histoires qui font rêver, on m’a toujours mis entre les mains des lectures moins fictives, plus proches de la réalité. Ainsi, dès le plus jeune âge, je préconise ces lectures, essentielles pour garder la tête froide. Il faut goûter au rêve mais ne pas balayer la déception, qui est elle aussi bien présente dans la littérature. A l’instar de l’espoir, il faut apprendre la déception à travers l’art avant même de la vivre, pour mieux la vivre. Dieu bénisse, la littérature romantique n’a pas qu’un prisme.

L’aspect positif de la littérature romantique sur la réalité

A l’inverse, quand la réalité est trop complexe, la littérature m’aide et parfois me comble. Quand j’aime, il m’arrive de chercher des phrases qui parlent de l’autre dans tous les livres du monde et cette quête me rassure et me remplit d’un sentiment entier : celui d’être comprise. Mais pas que. Il y a la tristesse aussi. La tristesse d’une relation me pousse à chercher du réconfort dans les livres. Comme cette fille que j’aperçois au loin, assise à la terrasse voisine, les yeux rougis par les larmes. Un livre dort près d’elle, attendant sagement qu’elle le saisisse pour la faire renaître entre ses doigts. Elle le saisit. Dernière goutte de sel sur la première page. Troisième page. Un sourire s’esquisse. Enfin. Son visage est en état de grâce. Peut-être pense-t-elle que les livres donnent plus de plaisir que certains hommes. Peut-être à raison. Revenons sur ma terrasse. Lorsque je ne vis rien, que je m’ennuie, le roman comble mon vide. Voilà le pouvoir du livre si l’on est un lecteur averti : il nourrit l’esprit. Je ne suis pas tombée amoureuse depuis un an ? Très bien, je vais tomber amoureuse par procuration.

Le roman lé innocent

Quand j’aime véritablement l’autre – d’aussi longtemps que je me souvienne - j’ai soudain la certitude de le connaître d’avant. Je ne te rencontre pas, je te reconnais. Je ne sais pas d’où ni depuis quand, mais mon âme reconnaît ton âme sans que je ne sache expliquer pourquoi. Je me crois folle, mais je ne le suis pas. L’amour que je ressens au présent est en réalité un sentiment du passé. Est-ce que ce sentiment est lié à la somme des romans que j’ai lus au cours de ma vie formant un imaginaire erroné ou bien est-ce l’expérience que je vis (l’amour véritable) qui dépasse cette vie-là ?

La première fois que j’ai senti de l’amour romantique, j’ai eu envie de vivre et de mourir à la fois. Je n’étais plus seulement Sarah. J’étais une Sarah Absolue.

Pascal Quignard, dans Vie secrète, écrit : « Le premier amour n’est jamais le premier. Il a toujours été devancé. Comme la première lueur n’est pas celle de l’aube. Les astrophysiciens nomment lumière zodiacale la lumière qui précède la lumière d’aube. Parce que les météores reflètent la lumière du soleil avant qu’il se lève. Ils appellent ainsi le phénomène de fausse aurore. Pour l’espère parlante, la fausse aurore, c’est l’emprunte alogos. C’est ainsi que l’amour qui devance l’amour n’est pas un souvenir. C’est une trace énigmatique en nous. C’est un fossile qui précède la mémoire dont nous ignorons la disposition, et dont nous ne comprenons pas le sens. » Il explique notamment à travers d’autres fragments, que cette hypothèse serait en réalité liée à notre première rupture : quand nous sommes arrachés du ventre de notre mère.

Les romans d’amour ou autre construction romantique liée à l’art ne seraient alors qu’une pierre ajoutée à l’édifice de la déception amoureuse. Ainsi, justifier sa déception amoureuse en avançant l’argument du roman d’amour serait faire un pied de nez à notre nature véritable : être doté d’amour avant même notre naissance.

Je vous souhaite des lectures éclairantes.

Sarah - @ladelicatessedesmots  
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