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L'effet de la pluie et du froid sur notre humeur amoureuse

Il est 8h du matin, le ciel est bas. Un soleil blanc travesti en lune peine à briller derrière des nuages sans forme. La pâleur du ciel dévoile un camaïeu gris et sans âme où se confondent les gratte-ciels et les immeubles. Il va pleuvoir. Il est 8h du matin et l’humeur est déjà au beau fixe : aussi basse que le ciel. Un gros pull en laine, un jean suffisamment taillé pour ne pas frôler le sol mouillé, des chaussures en cuir, surtout pas en tissu et le même désir de vivre que celui d’une huître d’élevage : la journée peut commencer. Pas d’amoureux à l’horizon, ni l’envie de rencontrer quelqu’un, d’ailleurs. L’appel de la couette est plus fort que le désir avorté depuis que l’été s’en est allé : pourvu que cette journée se finisse vite. L’été est une femme aussi belle qu’infidèle. Elle - car l’été ne peut être qu’une femme - nous aguiche, nous sublime par sa candeur, et pressée, la capricieuse s’échappe, nous laissant seul face à notre désespoir, dépendant affectif à jamais. Mais comment se fait-il qu’après toutes ces années sur Terre l’on n’ait toujours pas trouvé de remède pour supporter les jours sans lumière ? Quand vient le temps du cachemire et des feuilles mortes, comment résister à la mélancolie en amour ?

Si le soleil booste la production de sérotonine entraînant un désir vif de vivre, le froid et la grisaille, a contrario, créent souvent l’inverse. Grossièrement, en été, nous vivons, lorsqu’en hiver, nous sommes contraints d’exister. Ainsi, dès que la lumière se fait la malle, le désir, le désir d’aimer, le fait d’aimer tout court, semblent relever d’un rêve sublime et lointain proche d’une eau tiède et salée. Passons au « je », c’est-à-dire à moi, Sarah. Je n’ai pas la prétention d’être un éternel rayon de soleil dans la neige, mais je cultive le souvenir heureux d’avoir déjà été aussi légère qu’en été durant certains hivers de mon existence. Ce souvenir heureux, j’ai essayé de le déconstruire en plusieurs facteurs.

Pour faire front, je me fais front

En hiver, j’aimerais hiberner comme un mammifère à poils longs et me réveiller au premier jour du printemps. Hélas, je ne suis qu’une Sarah dont la conscience d’être en vie à durée limitée me pousse à combattre la résignation. Et, hélas, je suis également une Sarah désireuse de tomber amoureuse. C’est en faisant front à cette résignation et donc en me faisant front à moi-même que je parviens à être stimulée et, de fait, à trouver une raison de vivre qui me permettra de supporter l’absence de lumière, aussi longue soit-elle quand on habite à l’opposé de Marseille. Le souvenir hivernal heureux que je cultive à ce jour et depuis ce jour est un souvenir semblable à fantaisie impromptue de Chopin : sans virgule et sans point. Cet hiver-là, il y a 3 ans, j’ai appris que je pouvais me réveiller tôt pour profiter du jour, que la forêt jaunie était un refuge aussi confortable que mon lit. J’ai appris que le Monoprix me donnait le goût de cuisiner pour mon amoureux, que les verres de vin en soirée n’étaient pas synonymes de gouffre sans fond le lendemain à condition d’en boire moins. J’ai appris qu’en rythmant ma vie en faisant un pied de nez au confort, j’étais aussi lumineuse qu’en juillet. Cet hiver-là, je l’ai aimé, parce que je me suis aimée et en m’aimant, je n’avais jamais été aussi amoureuse d’un amant. Cet hiver-là, j’ai appris qu’il pouvait faire très beau sous la pluie.

Se faire front sans déguiser la réalité pour l’accueillir

Pour avoir le goût de la lumière en hiver, je m’imprègne d’activités propres à l’absence de lumière. Voici donc la règle des trois arts à déguster sans modération (seul ou à deux) pour faire de sa vie un film supportable. La musique (Habibi de Tamino, My mistakes were made for you de The Last Shadow Puppets, Baby I’m fool de Melody Gardot, etc.), le cinema (Le Joker, la série American Horror Story, Peau d’Âne de Jacques Demy, Bridget Jones, The Holidays, etc.) la littérature (Premier amour de Samuel Beckett, Mon Mari de Maud Vantura, S’adapter de Clara Dupont Monod, etc.). Cette règle des trois arts me permet non seulement d’être cueillie par l’émotion qui semble nettement amoindrie par le spleen hivernal, mais également de me donner l’envie de renouveler mes classiques avec l’être désiré.

Nietzsche a écrit : « Celui qui a un pourquoi vivre peut supporter n’importe quel moment ». Si nous avons trouvé un pourquoi vivre, cultivons-le, si nous ne l’avons pas encore trouvé, cherchons-le. Dans la recherche, il y a toujours un désir d’aimer et donc de vivre. Même dans un éternel hiver.

Sarah - @ladelicatessedesmots 

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