
Chapitre 1 : Le désabusé qui tombe amoureux
Celui que j’aime, c’est le désabusé qui redevient niais. L’amour en est le basculement. La rencontre parmi les rencontres. L’être désabusé met tout dans une case et un jour, il se surprend à faire partie d’une case qu’il jugeait jusqu’alors détestable. Pour lui, le monde est sans surprise, lamentable. Soudain il fait partie de ce monde. Surpris comme un coup de poing dans le visage. Le cynique est cerné : l’amour lui tombe dessus. Son cœur s’adoucit. Ses insupportables compères deviennent des proches. Il aime ce qui va le tuer une nouvelle fois. Mais allons-y. Au galop.
Le désabusé a tout connu trop vite, trop de fois, trop tôt. Et il s’ennuie. Ce qui l’émoustille, c’est le spectacle social de ses pairs, mais surtout, le regard observateur qu’il y porte : un regard juste voire sage. A défaut de ne pas aimer les autres, il s’aime énormément. Pas de magie pour le désabusé, mais des faits. Cette fille-là l’a quitté pour les 5 mêmes raisons que la précédente. Celle-ci agit de cette façon parce qu’elle a vécu telle situation à l’instar de cette fille-là. On connait la chanson. Il baille. Il s’explique tout très bien donc pourquoi avoir de l’espoir quand on sait que l’espoir tue. Il pense Les humains sont chiants. Parfois, il lui arriver de repenser à cette relation dans laquelle il se sentait vraiment bien mais bon, on se lasse de tout. Il s’en est lassé. Mais les souvenirs heureux, il faut le reconnaître, il ne le reconnaîtra jamais, ont quand même gagné. Aujourd’hui c’est à ces courts instants de bonheur qu’il se rattache un peu quand ce monde tellement prévisible l’ennui trop. Il n’attend rien, n’espère rien, il se complaît dans cette vie sans amour romantique, sinon celui de ses amis qui le confortent souvent dans son opinion et rarement, mais cela arrive, agitent devant lui cette douce légèreté propre à la niaiserie amoureuse qu’il ne connait plus. Il les trouve cons.
Le désabusé rencontre une fille qui lui tape dans l’œil puis dans l’esprit puis dans le ventre puis dans les couilles – le sens de ces tapes est remarquable pour lui. Merde, elle coche toutes les cases des filles précédentes : mêmes traumas, mêmes schémas amoureux, même humour de merde, mais il a envie de l’écouter parler. Encore. Elle a l’air désabusée aussi. Le miroir fait mal au ventre. Y’a des espèces d’ailes bleues violettes orangées qui s’agitent en dedans. Son ventre devient un champ de lavandes envahi de larves sorties de leur chrysalide. Il n’a pas faim, pourtant, ça gargouille une BO Disney. Il n’analyse plus. Il subit ce qui lui plaît et c’est elle. La désabusée qui parle encore et qu’il aimerait tellement entendre, mais c’est la danse de ses lèvres et sa gestuelle méchante et ses yeux qui roulent et le bar sombre dans lequel il se trouve qui gagnent, ce bar qui devient alors une mer calme, huileuse, marseillaise. La paix l’habite. Enfin, à moitié. Il doute de lui. Il doute de lui ?! Il est inquiet de ne pas l’intéresser à son tour. Lui qui pourtant connaît si bien l’humanité tout entière. Du sang froid. Le désabusé n’est pas inquiet face à une fille qui lui plait parce que toutes les filles qui lui ont déjà plu l’ont toute déçue. Remettre en marche le passé, se souvenir du chaos pour reprendre ses esprits.
Merde, le désabusé se sent fébrile.