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À nos amours adolescentes

« C’est foutu depuis longtemps, depuis l’origine, Raphaël. Tu resteras à jamais orphelin de ces amours adolescentes que tu n’as pas connues ». Gémissant sous la plume de Michel HouellebecqRaphaël hante les pages du roman « Extension du domaine de la lutte ». En cherchant fiévreusement à acheter ce que le passé ne lui a pas offert, ce spectre déchu traîne l’empreinte originelle de nos premières amours, ou, dans son cas, de leur absence. Parfum enivrant ou marécage sordide, ces émois ont une saveur variable. Dans quelle mesure nos amours initiales façonnent les relations que nous vivons à l’âge adulte ?  

Les amours adolescentes : un paradis perdu ?

Les premières histoires s’écrivent souvent à l’encre des amours de vacances, où le frisson de la découverte se conjugue à la brutalité de l’éphémère. La passion y éclate, sensuelle et fulgurante. On aborde la rentrée avec quelques plaies sur le cœur et un sourire au bord des lèvres.

Ce frisson, on peut également l’avoir vécu entre deux cours quand nos deux mains se frôlent, au cinéma quand ce bras hésitant vient enfin se loger sur nos épaules, en colle quand cet autre inaccessible nous adresse enfin la parole. Le frisson peut aussi ne jamais venir, comme pour ce pauvre Raphaël ou toutes les « exclues du marché de la bonne meuf » chères à Virginie Despentes.

Ces expériences initiales, ces joies et ces échecs sont-elles la préface du roman de notre vie, qui devra en respecter la trame ou bien sont-ils des brouillons que l’on froisse, bons à oublier ? Les premières amours ont l’innocence de ce qui n’a pas encore vécu : tout y fleurit mais rien n’y pousse, on veut tout dévoiler de ce qu’on n’a pas encore trouvé. On s’y découvre, on s’y touche, on s’y mord et on s’y brûle, et on se fait avoir, par ce mec un peu trop grande gueule ou par cette fille un peu trop belle. Oui, elles sont parfois la découverte de pièges que l’on évitera soigneusement plus tard.

Je ne crois pas que nos premières amours soient un paradis ni que l’on puisse les retrouver. Les larmes quon y a versé n’éteindront pas l’enfer qu’on a connu après, lors d’une rupture ou d’une déception, les frissons qu’on y a laissé ne nous préparent pas à ce que l’on vivra ensuite.

En revanche, ce premier moment de rencontre avec l’autre peut nous indiquer dans quel tourbillon on a voulu se perdre et pourquoi, ou bien à quel mur d’indifférence on s’est heurté. La nostalgie, la joie, l’envie d’en découdre, les échos que nos premières expériences suscitent en nous sont diverses.

Ce qui est certain, c’est qu’elles nous ont construit juste assez pour savoir ce dont nous avons besoin et ce dont nous ne voulons plus. Peu importe combien de temps on a passé à chasser leurs ombres, c’est juste assez de temps pour qu’elles nous mènent au bord du précipice, celui qui fait très peur, celui dans lequel on retombe amoureux.

Par Jean Dizain | @Lunes Noires 

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